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La Tunisie et le monde...


Les enfants de Bourguiba

Publié par Karim Abdellatif sur 1 Novembre 2011, 21:59pm

Catégories : #articles

Les enfants de Bourguiba
Avant même l’intronisation d’Ennahdha, grand vainqueur des premières élections libres et démocratiques en Tunisie, son leader Rached Ghannouchi s’est exprimé pour remettre en cause une partie de l’héritage bourguibien. Habib Bourguiba n’était certainement pas un saint homme et c’est bien à lui que l’on doit de payer maintenant la facture salée de l’occidentalisation qui nous a été imposée. Cependant, celui qui se présentait comme le « Combattant suprême » a aussi défendu les sans-droits : il a reconnu le droit légitime des femmes à devenir de vraies citoyennes et a pris sous son aile protectrice, les enfants abandonnés et les orphelins, surnommés depuis « Atfel Bourguiba » (les enfants de Bourguiba).
 
Si Ghannouchi a des comptes à régler avec Bourguiba, qu’il ne le fasse pas sur le dos des plus faibles. Notre société n’a jamais été indifférente à la cause des enfants abandonnés : dans le meilleur des cas, elle les stigmatisait et dans le pire des cas, elle les rejetait comme s’ils n’avaient jamais vu le jour ; pourtant, dissimuler une réalité ne la fait pas disparaître… Qui n’a pas entendu parler de ces bébés que l’on retrouvait abandonnés dans des boîtes de tomates ou dans des cartons, et de ces enfants qui attendaient à l'Institut National de Protection de l'enfance la visite de quelques bonnes âmes ?
 
Rached Ghannouchi a réalisé deux actes symboliques après l’annonce des résultats. Il s’est d’abord rendu à la Bourse de Tunis pour rassurer les investisseurs, puis il a annoncé, quelques jours plus tard, qu’il voulait mettre fin à l'institution de l’adoption en vigueur en Tunisie, ne pouvant s’empêcher de qualifier au passage les enfants abandonnés de « laqit » (bâtards). Nous retenons donc que le chef du parti islamiste a veillé à tranquilliser les puissants – les hommes d’affaire – et qu’il s’est attaqué aux plus faibles : ceux qui n’avaient même pas de parents pour les défendre.
 
Le tour de passe-passe qui consiste à remplacer l’adoption par une vague notion islamique – la « kefala » – ne rassure pas, même s’il a été maladroitement qualifié de question de casuistique par Abou Yaareb Marzouki, tête de liste pour Ennahdha et élu à l’Assemblée Nationale Constituante. Que Ghannouchi nous définisse donc ce qu’il entend par ce terme : est-ce que les enfants pourront hériter de ceux qui exercent leur tutelle ? Y aura-t-il des garanties contre le recours à la « kefala » pour s’assurer un personnel domestique quasi-gratuit ? Les tuteurs devront-ils continuer à prendre en charge l’éducation des enfants après leurs 18 ou 20 ans ?
 
Ghannouchi pourrait aussi nous parler de la façon dont il considère les mères célibataires et les adultérins car ceux qu’il nomme « laqit » ne sont pas nés miraculeusement, mais bien de l’union d’hommes et de femmes tunisiens. Promet-il cent coups de fouets à ces « fornicateurs » ou se montrera-t-il plus clément sous l’influence de son exil londonien ?
 
Aujourd’hui, on remet en cause le statut des Tunisiens les plus faibles, ceux dont l’on détourne volontiers le regard et que l’on qualifie encore de « wled el hram » (les enfants du péché). Demain, ce sera peut-être à votre tour d’être attaqués(es) : vous les femmes… les intellectuels… les occidentalisés… les libres penseurs… les libertins… les « ashab jaw »… les opposants… les différents…
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