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La Tunisie et le monde...


Mona Lisa

Publié par Karim Abdellatif sur 31 Décembre 2007, 21:22pm

Catégories : #Prose

Mona Lisa

Mona Lisa habite dans le trente-deuxième sous-sol de l’enfer, elle y hante les ruelles sordides de quartiers mal famés et s’y fourvoie parmi les âmes noires et décharnées des reclus de l’humanité. Son sourire énigmatique est une balafre tracée par un gay de la Renaissance, une strie amère et douloureuse qui, restée à vif, ne reflète plus que le vide d’un portrait somme toute assez banal… Mona Lisa, tu es une bourgeoise offerte à l’humanité qui entrouvre les lèvres avec concupiscence et esquisse un baiser érotique, mettant à jour une langue sanglante dansant la valse ou la salsa dans la bouche des mâles asiatiques visitant le Louvre. Mona Lisa, tu es la putain qu’un vol a rendue célèbre, tu es la Lilith dominatrice ou encore Norma Jean Baker, l’icône warholienne multicolore. Femme-objet, mercantilisée, bafouée et dépréciée, je te désire de tous les muscles de mon corps, je t’imagine nue dans la posture de l’Odalisque ou de L’origine du monde, le tableau fantasmé de Jacques Lacan. Mon verbiage inintelligible m’indispose, mais tu m’as fait tien. Tu harcèles mes pensées et oppresses mon esprit tourmenté… Je défaille en te serrant virtuellement, j’imagine ta peau chaude contre la mienne, mon sexe dur labourant tes hanches cambrées, mes mains sur tes seins opulents. Tu es une déesse irréelle que les siècles ont embellie, tu es un succube que je croise aux détours de mes rêves éveillés, tu es la mère que je désire… Mona, me permets-tu de t’appeler ainsi ? Tu es l’amie et la compagne qui remplit d’amour mes nuits solitaires, tu t’insinues sous mes draps et dans ma couche et tu me fais croire au paradis et à ses quatre rivières… Je te bénis parmi toutes les génisses de ton sexe, je me nourris à ta mamelle et je m’assoupis, las et repu…

Je suis Enkidu, dompté par la courtisane, je suis la bête poilue devenue homme civilisé. J’ai cédé devant les charmes de ce monde, j’ai vendu mon âme pour quelques copecks, je me suis prostitué et incliné devant la grande Babylone…

Sauveur, où es-tu donc, toi le Messie que ses pairs ont renié, toi le juif barbu idolâtré par la moitié de l’humanité ? As-tu fui devant Satan et ses légions damnées ? Tu t’es défroqué, tun’es pas mort sur la croix ; c’est une vérité indéniable puisque c’est écrit dans le Coran. « Alif. Lam. Mim. Voici le Livre ! Il ne renferme aucun doute. »
*
Jésus et Mona Lisa sont les super-héros de notre ère, les icônes décorant nos foyers… Imaginons un renversement de situation improbable : la Joconde serait crucifiée sur le Golgotha, deviendrait la reine des Juifs et nous sauverait du péché originel. Jésus, serait quant à lui, l’oeuvre d’un Italien sodomite et lubrique, tenant sur une toile de dimensions moyennes. Il dévisagerait une foule anonyme dans un des musées les plus célèbres au monde.

Mona Lisa et Jésus, réunis pour le meilleur et pour le pire… leurs destins scellés et fusionnés. L’accouplement de deux superstars… Notre époque iconoclaste est une vaste voie ocre et aride où chaque jalon marque l’extinction d’un dogme. Elle a réduit à néant la foi et fait éclater les utopies, elle a brisé le concept de famille et a rendu la morale désuète. Nous somme marqués du chiffre de la Bête. Nous hurlons à nous en arracher les poumons que nous sommes nés libres, mais nous restons aussi serviles que nos pères, nous courbons l’échine devant le monde. Nous consommons, nous travaillons et nous copulons… Quel immense progrès !

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